Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 4, 1-11
Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Alors le démon l’emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c’est lui seul que tu adoreras. »
Alors le démon le quitte. Voici que des anges s’approchèrent de lui, et ils le servaient.
Saint Luc, comme saint Mathieu nous raconte qu’avant de commencer à prêcher, Jésus va dans le désert.
C ‘est normal, avant d’entreprendre une œuvre importante, il est bon de réfléchir dans le silence, de peser le pour et le contre, de se redire ce qu’on veut faire exactement.
Pour ce beau texte, voyons ce que donne le récit de saint Luc dans une autre culture, une autre civilisation.
Pour cela, je vous invite à une expérience spéciale. La voici, n’ayez pas peur, nous allons nous téléporter en Asie….Ouvrons les yeux.
Le Maharadja de Brahmansimpur revient chez lui, tranquillement.
Du haut de son éléphant, il domine la foule. Majestueusement, l’animal orné de belles courroies dorées, écarte de sa trompe les badauds émerveillés qui s’inclinent respectueusement.
– Eh toi, l’homme, oui toi, crie le grand monarque. Viens un peu par ici, monte avec moi, je suis curieux de voir ce tu as dans la main, qu’est-ce que tu lis avec tant d’attention ? La route est longue jusqu’au palais et tu vas me tenir compagnie.
— Sire, je relis et médite ce que nous enseigne Notre Seigneur Jésus Christ.
– Si je comprends bien, tu es chrétien. Dis-moi donc ce qu’il raconte ton Jésus.
— Voici ce que j’ai commencé à lire : Avant de commencer à prêcher sa Bonne Nouvelle, Jésus s’est retiré au désert pour faire le point sur sa mission.
– C’est très bien, cela. C’est ce que font nos moines bouddhistes chez nous depuis des siècles
— C’est à ce moment que le diable cherche à brouiller les cartes. Il se méfie. Ce Jésus, qu’est-ce qu’il a derrière la tête? Le diable s’approche avec son faux air bonhomme
D’un air doucereux, le diable lui dit : J’ai beaucoup d’expérience, veux-tu que je te donne un bon conseil ? J’ai appris que tu venais pour bâtir un nouveau royaume. C’est vrai ?
Si tu es fils de Dieu, si tu veux devenir roi d’un grand royaume, écoute-moi, voici mon premier conseil : tu vois ces pierres, dis-leurs de devenir des pains.
– Ah, ah, pas bête, ton diable ! dit le maharadja, Je connais ça, tu n’as qu’à donner du pain, des babioles à la foule et tout le monde accourt, te dit merci. Si tu veux avoir des partisans, distribue des faveurs à tes courtisans et tu les tiens, ils ne peuvent plus se passer de toi. C’est le moyen numéro un.
Sais-tu comment mon grand-père, Dieu ait son âme, a bâti son royaume ?
Tout bêtement en contrôlant les ressources du pays. Être maître de l’économie voilà la clef du succès. Ton Jésus a dû apprécier le conseil.
— Ben, ben, ce n’est pas ce que je lis. Voulez-vous vraiment que je continue ?
– Allons, allons, mon brave, n’aies pas peur. Tu connais ma largeur d’esprit.
— Voici ce que Jésus répond au diable : « Il est écrit: l ‘homme ne vit pas seulement de pain »
Il veut dire que les richesses matérielles, bien qu’elles soient nécessaires pour vivre, ne sont pas le plus important. Il ne faut pas seulement se procurer de quoi manger, mais il faut aussi manger la parole de Dieu.
– J ‘avoue que je ne comprends pas bien, mais tu m’intrigues. Tu as peut-être raison. De fait, j’ai des garçons qui ne sont jamais contents. Tiens, l’autre jour, le plus jeune m’a dit : papa, tu n’es jamais à la maison, on se demande si tu nous aimes. Pourtant ils ont de tout à la maison, il ne leur manque rien, mais vraiment rien. Qu’est-ce qu’il leur faut en plus ?
Mais je t’ai interrompu.
— Voici le deuxième conseil que le diable donne à Jésus pour bâtir son royaume.
Il le conduit à Jérusalem, tout en haut du Temple.
– Oui, j’en ai entendu parler, mon cousin le vizir y est allé
— Tout en haut du temple, il lui dit : si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas.
– Ce n’est pas bête non plus. Regarde-moi, quand je passe dans la ville, monté sur mon grand éléphant, tout le monde est rempli d’admiration. Comme il est puisant notre maharadja ! Mais de là à sauter par terre pour les épater, non.
A quoi bon ?
— Le diable veut lui dire : saute de là-haut, sans te faire mal et ce sera le succès total. La foule réunie en bas va s’écrier : miracle, on n’a jamais vu rien d’aussi extraordinaire.
C’est cet homme-là qu’il nous faut ! Pas de doute, il vient de la part de Dieu !
– Pourquoi donc de la part de Dieu ?
— Parce qu’il est écrit dans l’écriture : Dieu donnera des ordres à ses anges et ils te garderont.
– Ton diable est encore plus malin que je pensais !
Il utilise les paroles de Dieu. Moi, je n’ai pas besoin de faire des miracles, j’avoue que mon ministre de l’intérieur utilise très bien les médias pour ma propagande, ça revient au même.
L’astuce est d’en mettre plein la vue au public et ils te suivent comme aveuglés.
— Mais justement, pardonnez-moi, maharadja, Jésus n’est pas du tout d’accord, il répond au diable: « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu »
Je crois qu’il veut dire : ne te prends pas pour un dieu.
– Bon, bon, j’ai compris. Mais continue un peu. Ton récit me paraît très curieux.
Ce n’est pas cela qu’on m’a appris. Moi, je crois plutôt aux bonnes vieilles recettes de mes ancêtres qui sont arrivés au pouvoir. Et justement, qu’est-ce qu’il dit du pouvoir ton diable ?
— Tu veux que je te lise ce qui suit ? C’est le troisième conseil.
« Le diable le conduisit sur une montagne, il lui montra tous les royaumes et lui dit : je te donnerai toute cette puissance avec sa gloire, mais à une condition : prosterne-toi devant moi, si tu m’adores, tout ce pouvoir sera à toi »
– Je t’arrête, cette histoire de diable qu’il faut adorer, je n’y comprends rien.
Moi, je n’ai jamais vu le diable et jamais, jamais, je ne me suis prosterné devant lui pour arriver au pouvoir.
— Oh, Maharadja, je te connais bien, sinon je n’oserais pas parler ainsi devant toi. Cependant, permets-moi de poursuivre.
– Allez, tu peux parler.
— Nous connaissons d’autres dirigeants qui n’ont pas la même honnêteté. Ils n’adorent pas le diable en personne, mais pour eux le diable, c’est l’argent. Ils l’adorent au point de tout lui sacrifier, de lui dédier toutes leurs forces. Ils l’adorent tellement qu’ils oublient leur famille, leurs enfants, leur peuple.
D’autres adorent le diable quand ils écrasent toute opposition par la force et les armes. Nous avons connu d’autres maharadja qui sont arrivés au pouvoir par la ruse, les magouilles, le mensonge. Ne dit-on pas que le diable est père du mensonge ?
– Je vois ce que tu veux dire. Dis-moi encore, qu’est-ce que ton Jésus a répondu au diable. ?
— Tout simplement : « Il est écrit : tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu n’adoreras que lui seul »
Pour nous, le Seigneur notre Dieu est le Créateur de l’univers, de tous les êtres humains. Nous disons aussi qu’il est père de tous. Si je l’adore, lui, et lui seul, je cherche à agir comme lui, à aider tous ses enfants.
– Ce n’est pas sot du tout ce que tu me dis. J’ai connu dans mon royaume un vieux sage qui répétait sans cesse, respectez la nature, respectez tous les humains, car Dieu les aime tous.
Excuse-moi maintenant, nous arrivons au palais. J’ai été heureux de ta compagnie. Je voudrais à mon tour te demander un service. Pourrais-tu me prêter ton livre, tu l’appelles Évangile, je crois.
J’ai comme l’impression qu’il pourrait me rendre service. Tu sais, j’ai déjà réfléchi. Quand mon grand-père a pris le pouvoir, il n’a pas trop fait attention aux moyens. Aujourd’hui, il me faut changer, mon peuple n’accepte plus les méthodes d’autrefois.
Merci et j’espère que nous nous reverrons un jour.
C’est l’histoire d’un maharadja dans un pays lointain. Mais parfois j’ai l’impression de lui ressembler, nous donnons trop d’importance aux choses matérielles en oubliant que nous avons besoin de manger une vraie nourriture, ou bien nous cherchons le prestige, nous cherchons à paraître mieux que les autres, et finalement que de soucis pour notre pouvoir !