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Madame Claudia

Le mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée


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Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 46-52

Jésus et ses disciples étaient venus à Jéricho. Et tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier: «Jésus, fils de David, aie pitié de moi!» Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle: «Fils de David, aie pitié de moi!» Jésus s’arrête et dit: «Appelez-le.»
On appelle donc l’aveugle, et on lui dit: «Confiance, lève-toi; il t’appelle.» L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Jésus lui dit: «Que veux-tu que je fasse pour toi? – Rabbouni, que je voie.» Et Jésus lui dit: «Va, ta foi t’a sauvé.»
Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.


Quelle joie, quelle ambiance dans le village !
Il est revenu, oui, BarTimée, le fils de Timée, vous le connaissez celui qui était aveugle.

Ah, BarTimée, c’est formidable, tu me reconnais, moi, Aaron, ton cousin. Mais bien sur, et aussi ma petite fille, Myriam,
C’est donc vrai, tu vois, tu n’es plus aveugle c’est incroyable, raconte-nous ce qui s’est passé.

Vous savez bien que j’ai perdu la vue il y a quelques années. Une vie de misère, plus de travail, rien d’autre que mendier : « Pitié, ma bonne dame, à votre bon cœur, Monsieur ».
Quelle humiliation pour moi qui aimais tant travailler avec les copains.

A la fin, j’ai abouti à Jéricho.
On m’a dit que c’était une belle ville, prospère, de l’eau pour les cultures et les palmiers. Mais pour un pauvre aveugle, ce n’est pas gai.

Jéricho, mes enfants est sur la route des pèlerins qui montent à Jérusalem. Ceux qui sont passés par le désert de l’autre côté de la rivière, le Jourdain, pour éviter de se faire insulter en passant par la Samarie.
Ça fait du monde, mais ça attire aussi tous les éclopés de la terre. Une vraie concurrence, mendier au milieu de cette foule, ce n’est pas rentable. Et les gens de la ville ont d’autres chats à fouetter, donc pas le temps de s’occuper d’un aveugle.

Heureusement, un ami m’a donné un conseil : va plutôt à la sortie de la ville.

Pas bête du tout, c’est un endroit stratégique. Les pèlerins sont mieux disposés. Vous comprenez, quand ils arrivent dans cette belle ville, avec toutes les tentations qu’elle offre, ils ont d’abord envie de s’y reposer un peu et s’ils ont encore quelques pièces à dépenser, c’est pour s’offrir quelques belles dattes ou une bonne coupe de vin, pas pour aider un pauvre aveugle…

En revanche, lorsqu’ils quittent la ville, ils se préparent à la rencontre avec Dieu qu’ils rencontreront lorsqu’ils seront à Jérusalem pendant les fêtes de Pâques, ils ne veulent pas se mettre en mauvais termes avec Lui, du coup, ils sont plus généreux.

S’il te plaît, BarTimée, ce n’est pas ta stratégie de mendiant qui nous intéresse, mais dis-nous plutôt comment c’est arrivé, ta guérison.

Patience, j’y arrive.

J’étais assis un jour au bord du chemin, enveloppé dans mon manteau. C’est tout ce qui me restait, et il faisait frisquets ce matin-là. Je tends l’oreille pour deviner si du monde arrive…

Du monde, oui, parlons-en, c’était une foule qui parlait qui chantait…
Qu’est-ce qui se passe ?
D’habitude les pèlerins sont plutôt silencieux, ils économisent leurs forces pour la route qui n’est pas commode.
D’après ce qu’on m’a dit, ça grimpe dur, sur les trente kilomètres, il y a bien 500 mètres de dénivellation.

Moi, je crie tant que je peux : Oh, là, oh là, messieurs, dîtes-moi un peu ce qui se passe. Pourquoi toute cette foule ?

Mon pauvre ami, dommage pour toi, tu ne pourras pas le voir. C’est Jésus de Nazareth, il monte à Jérusalem et nous allons avec lui. Il aura besoin d’être aidé là-bas, il y en a qui l’attendent pour s’en débarrasser.

Jésus de Nazareth mais j’ai déjà entendu ce nom-là. Ma parole, si c’est lui, quelle chance !

Alors je crie encore plus fort : « Jésus de Nazareth, fils de David, aie pitié de moi ! »

Pourquoi « fils de David ? » Tu crois que David est un de ses ancêtres ?

J’ai entendu parler de ça. Mais je me suis dit :
Si jamais ce Jésus est le Messie, celui que les prophètes ont annoncé, certainement qu’il va nous libérer des Romains, ce sera un chef, un guerrier comme David. Tu sais quand on a l’habitude de mendier on essaie de se faire bien voir, de flatter un peu les gens.

Il y a une autre raison, qui me touche moi, le pauvre aveugle. C’est des copains à moi qui me l’ont dit : fais une prière au roi Salomon, le fils de David, lui, il peut te guérir.
Il y a un tas de gens qui lui demandent son aide. Il paraît qu’en son temps c’était un sage, un guérisseur.

En tous cas, ça a marché.
Les gens me disaient, veux-tu te taire, tu vois bien que le maitre n’a pas le temps, il doit aller à Jérusalem.
Mais lui, s’arrête, je l’entends qui dit : appelez-le.
Au moins, il ne pensait pas comme les autres… Pour eux, je n’étais rien, mais pour lui, j’avais du prix à ses yeux, il ne m’a pas envoyé promener.

Du coup, les voilà qui me secouent : courage, lève-toi, il t’appelle !

Alors là, je n’ai pas hésité un moment, j’ai bondi, même mon manteau, je l’ai laissé tomber.
Pierre, c’était comme le chef de l’équipe, m’a dit après : toi, tu n’es pas comme ce jeune homme de l’autre jour qui voulait venir avec nous, mais ses richesses l’ont comme ligoté. Il est reparti tout triste.

Je m’approche, ou plutôt, on m’approche de Jésus.
Je m’attendais à ce qu’il me dise : viens ici, je vais te faire des onctions, des gestes sur tes yeux, comme les guérisseurs
Rien de tout cela ! Seulement une question : que veux-tu que je fasse pour toi ? J’allais lui répondre, enfin, tu ne le vois pas que je suis aveugle ? Fais-moi voir.

Ah mes enfants, j’étais comme paralysé, subjugué, émerveillé. Bêtement je lui ai répondu : « Rabbouni, fais que je voie ! »

Tiens, tu ne lui as plus dit « fils de David » ?
Bien sûr que non, au son de sa voix, j’ai senti tout de suite toute la bonté de cet homme.
Une bonté, une douceur qui me rentrait dans tout le corps, avec une envie de rester avec lui.
« Rabbouni » Au rabbin dans la synagogue, je lui dis, Rabin, en m’inclinant. Mais ici je ne savais plus bien comment l’appeler : mon cher maitre, mon petit maitre, mon bon maître, « Rabbouni »

Jésus me dit encore : « va ta foi t’a sauvé »
C’est tout ? Nos guérisseurs font un tas de simagrées, de gestes, des paroles magiques.

Je vous assure, rien d’autre, il n’a dit qu’un mot comme quelqu’un qui commandait à la maladie sans effort.
Tout de suite, j’ai vu comme je vous voie maintenant.

Et qu’est-ce que tu as fait ensuite ?

Que voulez-vous que je fasse. J’en avais assez du mépris des gens : sale aveugle, tu dois avoir fait un grand péché pour être ainsi. Ou bien : laisse-nous passer, ne nous embête pas.

Lui, il n’est pas comme les autres. Je vous le dis mes amis, je crois en lui, je marche avec lui, je reste avec lui. C’est des hommes comme lui qu’il nous faut :
Il m’a dit « ta foi t’a sauvé »

C’est vrai, je crois en toi, tu n’es pas comme les autres, je marche avec toi, jusque Jérusalem.

J’ai été très touché lorsque Pierre est venu me voir et m’a dit : merci BarTimée, tu vois, jusqu’ici j’étais plutôt comme l’aveugle que Jésus a guéri à Bethsaide. Il lui avait ouvert les yeux péniblement, par étapes.
Moi aussi, j’avais du mal ouvrir les yeux, à croire vraiment, en lui. Maintenant mes yeux se sont ouverts tout grands. Et je vais faire comme toi, je vais le suivre jusqu’au bout. Du moins, c’est ce que je vais essayer de faire.