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Madame Esther

Prendre sa croix derrière Jésus


Pour écouter :


Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 14,25-33.

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !” Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »


Bonjour madame Esther, vous étiez là ce jour-là ? Et qu’est-ce que vous avez pensé du discours un peu radical de Jésus ?

C’était la première fois que je le rencontrais, ça a été un choc.

J’étais sortie pour acheter un peu d’huile, j’entends un remue-ménage, un bruit de foule, et là, au milieu un homme qui parlait. Belle prestance, une voix forte, je m’approche, qui c’est celui-là, je demande à Ruben mon cousin.  Chut, tais-toi, c’est le prophète.

Le prophète ? Quel prophète ?

Jésus, celui qui vient de Nazareth. Un homme extraordinaire ; tu entends comme il parle ? Le vieux Ezéquiel qui va à la synagogue tous les samedis m’a dit : fais attention, Ruben, c’est certainement le Messie qui arrive.

Il parle comme les prophètes d’autrefois, comme Isaïe, Amos ou Jérémie. C’est clair, Dieu a pitié de nous.

Le Messie va nous délivrer, il va chasser les Romains comme le roi David.

Moi, Esther, je m’approche encore. Un Messie qui va me donner du pain tous les jours, j’en veux bien. Je marche avec lui.

Et bien pour une première rencontre ça a été la douche froide !

Qu’est-ce qu’il dit ?

« si quelqu’un vient à moi sans quitter son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple »

Vous vous rendez compte ? Mon papa, ma maman, mes frères et sœurs, je les aime bien. Bon, je m’en vais, j’en ai entendu assez.

Ruben, ton Ezéquiel, tu peux le garder pour toi.

Mais Ruben me retient par la manche : Non, attends, ce n’est pas fini !

Et qu’est-ce que j’entends alors ?: «  celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite, ne peut être mon disciple »

« Ne peut être mon disciple » Ça ne me tracasse pas trop, parce que de toutes façons, moi, une femme, je n’ai pas le droit d’être le disciple d’un rabbi, d’un maître.

Mais si c’est un prophète, on comprend ce qu’il veut : s’il veut faire de grandes choses, il a besoin de gens bien décidés, pas des demi-portions. Quand David partait en guerre, il s’entourait de guerriers prêts à tout sacrifier. Ce Jésus parle d’un Royaume de Dieu qu’il va mettre en place, il n’a pas besoin de froussards .

Du coup, je reste encore un peu, et Jésus se met à expliquer :

Si tu veux construire une tour, réfléchis bien : combien de sous tu as dans ta poche ? Ne fais pas comme l’oncle Ibrahim qui a commencé une tour pour surveiller sa vigne et a calé au bout d’un mètre de hauteur.

Jésus continue et parle d’un roi qui veut partir en guerre. Tiens, le voilà ce Royaume de Dieu, c’est donc qu’il pense vraiment à se battre ?

Ce roi dit-il, fait le compte de ses soldats.  Holà, son ennemi en a le double. Alors du calme, il vaut peut-être mieux trouver une conciliation.

Oui, voilà qui me paraît déjà plus sensé mais aussitôt, il enchaîne avec des paroles tellement intransigeantes : il faudrait renoncer à tout ce que l’on possède pour le suivre. Alors là, je suis sûre que ça va en refroidir plus d’un et toute cette foule qui le suit, elle va réduire à la vitesse grand V…

Oui, voilà ce que J’ai entendu la première fois ; il y avait de quoi m’embrouiller les neurones, pas vrai ? mais je me suis dit : voyons Esther, ne t’emballe pas. Si cet homme a vraiment envie de nous libérer, cela vaut peut-être la peine de marcher avec lui.

Merci, madame, Esther. Je retiens ce que vous m’avez dit, parce que moi aussi, de temps en temps je suis –comment avez-vous dit  ? – une demi-portion. Je suis croyant mais pas toujours très décidé.