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Madame Esther

Le dernier sourire




Se rapporte à l’Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 18, 1 – 19, 42

Si vous saviez, comme ça été dur ce vendredi-là.

C’est comme si j’avais reçu un coup de matraque sans m’y attendre.

Un peu à la fois, à force d’entendre Jésus, de voir tout ce qu’il faisait pour les pauvres gens, je me disais :

Le monde va changer, nous allons vivre heureux, comme des frères et sœurs, plus de guerres, plus de méchancetés, nos enfants vont être heureux.

Ce soir-là, tout était fini, ils l’avaient pendu sur une croix, comme le pire des voyous. Et ils se moquaient de lui, je les ai entendus :

« Tu te croyais fils de Dieu, plus grand que Moise, tu envoyais promener nos lois, sous prétexte qu’il fallait guérir les malades et même le jour du sabbat. Maintenant, descends de ta croix. »

Horrible ! un étalage de bassesse et de méchanceté. Une fois de plus, le mal était encore plus fort que le bien, la mort plus forte que la vie. Rien à faire, les bons seront toujours battus par les méchants.

J’ai demandé à Marc, vous savez celui qui a écrit plus tard la vie de Jésus : « Marc toi qui es juif, c’est vrai que celui qui meurt sur une croix, c’est qu’il est puni par Dieu ? »

Voici ce qu’il m’a répondu :

« Ne le sais-tu pas ? Tous les prophètes font des guérisons, comme Jésus, mais un vrai prophète, je dis bien, un vrai prophète, est toujours persécuté, mis à mort !

Pourquoi ?

Parce qu’il a l’audace de dire tout haut : vous n’êtes que des hypocrites, vous vous croyez justes, conformes à Dieu, mais c’est faux.  Dieu vous dit d’aimer les autres, et vous, vous les écrasez. Jésus est un vrai prophète, c’est pour cela qu’il a été pourchassé et mis à mort. »

Ensuite j’ai parlé à Luc, lui aussi, il a écrit la vie de Jésus.

Luc n’est pas juif et il m’a dit :
« Esther, c’est la même chose avec mes compatriotes, les grecs, ils se moquent de moi aussi : Écoute ce qu’ils me disent :

Pauvre Luc, ton Jésus, il n’est rien du tout. Tu as vu comme il est mort, incapable de se défendre. Nos grands hommes à nous, Alexandre, Héraclès, ils meurent dans la gloire, ils font des exploits. Mais lui, entre deux délinquants et sur la croix des esclaves. Laisse-moi rire. »

Même moi, Luc, au début, je n’osais pas répondre. C’est vrai qu’on ne voyait au premier abord qu’un échec complet.

Mais je me suis informé, je me suis rendu compte qu’au milieu de la misère on pouvait découvrir la grandeur. Le plus grand ce n’était pas Pilate le gouverneur romain, mais cet homme crucifié sur une croix. 

Esther, as-tu lu ce que j’ai raconté dans mon livre ?

Sur la croix il y avait deux larrons à côté de Jésus, l’un se moquait mais l’autre a bien vu clair, il s’est tourné vers le premier voyou et lui a dit :

Pour nous, c’est juste, nous l’avons mérité, mais lui, Jésus, il n’a rien fait de mal

Et il a même ajouté : Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton paradis.

Esther, tu étais comme paralysée de douleur, mais as-tu entendu le cri du capitaine, celui qui venait de mettre Jésus à mort d’un coup de lance ? Surement, cet homme était un juste !  

Trop souvent on s’extasie devant les grands hommes, Jules César, Napoléon, Staline.

Mais moi, Luc, je préfère donner ma confiance à quelqu’un qui a été capable d’aimer jusqu’au bout, plutôt qu’à ces soi-disant grands hommes qui ont fait massacrer des milliers de gens.

En entendant Luc, moi Esther, une femme du peuple, j’ai senti comme une bouffée de joie dans mon cœur. Pas pour moi, mais pour mes enfants. Oui, c’est Jésus qui avait raison. Ce qu’il avait fait c’est cela qu’il fallait faire.
Bien sûr, Il y aura toujours des hommes qui trahiront comme Judas pour une poignée de sous, des hommes comme Pilate qui condamneront des innocents, mais ce qui compte, ce sont toutes les personnes, sincères, droites comme ce bandit sur la croix ou comme le soldat romain qui s’écrient

Tu as raison, Jésus, C’est en toi que nous croyons, c’est avec toi que nous marchons, pas avec Pilate, pas avec l’argent de Judas